La maïeutique : définition internationale et française
Définition internationale
La définition internationale retenue pour la maïeutique est celle qui a été donné par les auteurs de la série du Lancet :
« les soins spécialisés, basés sur la connaissance et attentionnés pour les femmes enceintes, les nouveau- nés et leurs familles pendant la période précédant et durant la grossesse, l’accouchement, les suites des couches et les premières semaines de vie. Cette pratique consiste essentiellement à optimiser les processus physiologiques, biologiques, psychologiques, sociaux et culturels de la reproduction et de la petite enfance, mais également à prévenir et à prendre en charge rapidement les complications, à consulter et orienter les femmes vers d’autres services, à respecter la situation et les points de vue individuels des femmes, et à travailler en partenariat avec elles pour renforcer leurs capacités à prendre soin d’elles-mêmes et de leurs familles ».
Résumé analytique de la série publiée par The Lancet sur la Maïeutique
Définition de la Maïeutique dans la revue du Lancet – page 3 ici
Définition française
La CNEMa et le Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes ont œuvré ensemble afin que la maïeutique devienne le terme officiel pour désigner la discipline académique et scientifique des sages-femmes.
Il fallait revendiquer officiellement un corpus de savoirs propres aux sages-femmes avant les travaux menés sur la réforme des études de sages-femmes et l’intégration des écoles à l’université (…), le dépôt d’un terme qui définisse la discipline exercée par les sages-femmes.
Une nécessité ? Une vision du métier ? L’existence d’une discipline ? Créer une unité de corps de la profession de sage-femme ?
Se fondre et confondre les activités professionnelles de la gynécologie-obstétrique semblent avoir occupé durant de longues décennies la population des sages-femmes.
Comment rendre visible une profession qui rend de véritables services de santé à toute une population d’usagers : femmes enceintes, futurs enfants, couples, futurs parents, mères… ?
(Françoise Nguyen, Présidente de la CNEMa 2005-2013, 2013)
Demander officiellement la reconnaissance d’une discipline pour les sages-femmes, c’est afficher la volonté de :
- promouvoir le travail et les études des sages-femmes, à l’instar des consœurs européennes et internationales qui ont une discipline universitaire (Science in midwifery) sur laquelle elles s’appuient pour la formation initiale, la formation continue et la recherche,
- prôner une gouvernance pédagogique de la formation maïeutique par les sages-femmes elles-mêmes,
- développer la recherche en maïeutique avec la reconnaissance d’un corps de sage-femme enseignant, enseignant-chercheur, habilité à diriger des recherches.
En mars 2010, la Commission de Terminologie et de Néologie, siégeant auprès du Ministère de la Santé, a donné pour le terme “maïeutique”, la définition suivante :
“La maïeutique est la discipline médicale exercée par les sages-femmes“.
Cette discipline scientifique englobe les domaines de l’obstétrique, la gynécologie et la pédiatrie dans leur dimension physiologique ainsi que la santé génésique des femmes ou la santé sexuelle et reproductive.
Elle fait appel à des connaissances et à des compétences spécifiques dans des domaines complémentaires. La base scientifique englobe la biologie, certains aspects des sciences exactes, plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales, l’éthique ou la santé publique au sens large.
Dans les pays anglo-saxons, cette discipline académique des sages-femmes est définie par le terme MIDWIFERY. La recherche en maïeutique (Research in Midwifery) y est largement développée.
La recherche en Maïeutique
Une définition de la recherche en maïeutique est donnée par Marlène Sinclair, sage-femme et présidente de Doctoral Midwifery Research Society – Lire
“Processus rigoureux d’études qui a pour but de produire des connaissances et un éclairage sur l’efficacité et l’efficience de la pratique sage-femme; ses conséquences sur les femmes, les nouveau-nés, les parents, les familles, la culture et la société. Il inclut la recherche en éducation et sur la formation clinique des sages-femmes, sur le développement et l’apprentissage de la maïeutique, le travail en équipe pluridisciplinaire, l’utilisation de l’information et des technologies de communication, l’organisation et sur les services délivrés aux femmes dans les maternité, les conditions de travail et sur les thèmes impactant sur la vie professionnelle des sages-femmes”.
(Mis à jour le 15 juin 2010 – Traduction de Christine Morin )
Tout au long de l’histoire, des sages-femmes renommées ont fourni des renseignements scientifiques précieux et beaucoup ont été saluées pour leur contribution à l’obstétrique et à la maïeutique.
Aujourd’hui, le retard des sages-femmes françaises dans le domaine de la recherche en Europe et dans le monde est indiscutable.
En 1998, Marianne Mead, sage-femme chercheur, écrivait
“la situation française est particulière : la sélection des étudiants et la formation initiale des sages-femmes sont exigeantes, mais en fin de parcours, elles n’ont que peu d’accès à la recherche et à la formation continue. La ‘maïeutique’ (Midwifery) existe en tant que discipline en Grande Bretagne et les sages-femmes peuvent accéder à un cursus PHD, mener des recherche en maïeutique (midwifery research) et être habilité à diriger des recherches. Les sages-femmes qui poursuivent en 3ème cycle de l’enseignement supérieur sont contraintes d’investir d’autres domaines que le leur, comme le droit, les sciences de l’éducation, les sciences humaines ou la santé publique- elles ne peuvent donc pas être repérées comme des modèles professionnels par les étudiants sages-femmes”
(Mead M. La sage-femme et la recherche. Doss Obstétrique. 1998;(265):3‑37).
En 2003, le plan périnatalité 2005 – 2007 « Humanité – proximité – sécurité – qualité pour moderniser l’environnement de la grossesse et de la naissance » a inscrit dans ses objectifs le développement de la recherche.
Plan de périnatalité à consulter ici.
“La recherche en périnatalité et, plus généralement, en reproduction est insuffisamment développée en France; ceci concerne aussi bien la recherche cognitive que la recherche clinique et en santé publique […].”
Dans le champ de la recherche en maïeutique, la France peut progresser vers la voie de l’excellence.
En effet, bien des domaines sont à explorer, visant à améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et la santé génésique des femmes :
- la surveillance de la grossesse physiologique
- Les mesures de prévention et d’éducation à la santé périnatale et génésique
- l’allaitement, la surveillance et la conduite du travail et de l’accouchement
- les sorties précoces en post-partum
- l’instauration du lien mère-enfant et le développement du nouveau-né
- le suivi gynécologique de prévention
- l’éducation à la santé sexuelle des adolescents
- les mesures d’accompagnement dans le contexte de l’interruption volontaire de grossesse
- les mesures d’accompagnement dans le contexte de violence faite aux femmes.
En juillet 2011, une disposition règlementaire, amendée par la loi n° 2011-814 relative à la bioéthique, reconnaît la qualification des sages-femmes françaises pour les recherches biomédicales.
L’article 39 indique :
“Les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique et conformes aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1121-5 ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d’un médecin ou d’une sage-femme». En outre, la loi leur donne l’aptitude à recevoir une délégation de l’investigateur pour procéder à l’information de la personne et au recueil du consentement : “Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de la maïeutique et répond aux conditions fixées au dernier alinéa de l’article L. 1121-5, l’investigateur peut confier à une sage-femme ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement”. La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique
Grâce à une formation professionnelle de niveau académique et à la voie de la recherche qui s’ouvrent à elles, les sages-femmes françaises vont pouvoir développer la recherche en maïeutique en France après l’obtention d’une thèse d’université.
Les départements de recherche, dans lesquels s’inscriront les écoles de sages-femmes, avec des équipes multidisciplinaires (sages-femmes, médecins, anthropologues, sociologues, …), pourront aider au développement de projets de recherche en maïeutique ou, plus largement, en santé publique ou en éducation (aide et soutien à la formation des sages-femmes ou aux professionnels de santé des pays qui le nécessitent).
La participation de sages-femmes chercheurs (docteurs ou doctorantes) au sein de ces institutions favorisera le développement de projets de recherche en faveur de la femme et du nouveau-né.
Enfin, les sages-femmes chercheurs pourront s’unir aux sages-femmes qui, en Europe ou dans le monde, agissent depuis longtemps pour lutter contre le fléau de la mortalité maternelle et infantile à travers le monde.