Quels enjeux pour la formation et la collectivité ?
1- CONSTAT
Une des caractéristiques de l’évolution de la profession de sage-femme réside dans la qualité et l’efficacité des soins apportés aux mères et aux familles dans le monde entier (Thompson, 2002). Spécialiste de la grossesse normale ou physiologique, le rôle inestimable des sages-femmes pour améliorer la santé des femmes et des nouveau-nés, quel que soit le niveau économique d’un pays, a été récemment mis en évidence dans la revue scientifique The Lancet (Homer et al., 2014; Renfrew et al., 2014; Ten Hoope- Bender et al., 2014; Van Lerberghe et al., 2014). La Confédération Internationale des Sages-femmes (ICM) a défini la profession de sage-femme et les compétences essentielles qu’elle doit posséder à l’issue de sa formation initiale (ICM, 2011a, 2013). En France, depuis 2009, les sages-femmes interviennent aussi à toutes les étapes de la vie gynécologique et reproductive des femmes en bonne santé (République française, 2009).
En 2010, dans le cadre de l’harmonisation européenne des formations de l’enseignement supérieur, la France a opté pour une organisation des études de sage- femme en cinq ans. La première année commune des études de santé (PACES) pour l’accès aux études de maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie se déroule à l’université. Contrairement aux études de médecine, odontologie ou pharmacie, les quatre années suivantes des études de sage-femme sont organisées au sein d’écoles gérées par les hôpitaux et non par les universités (hormis l’école de Marseille qui est universitaire depuis l’année 2010), bien que paradoxalement tous les étudiants sages- femmes soient inscrits à l’université.
Avec la réforme des systèmes d’enseignement supérieur en Europe (connu sous le nom de processus de Bologne), la création d’une architecture des études supérieures fondée sur trois grades – Licence (ou Bachelor), Master et Doctorat (système LMD) – a été édictée dès 2010 pour les formations dans le domaine de la santé. En Suède comme au Royaume Uni, l’existence d’un Master ou d’un Doctorat en maïeutique (MSc ou PhD in
Midwifery) témoigne d’une reconnaissance de la maïeutique comme discipline académique. La profession de sage-femme est autonome (ICM, 2011b) et distincte de celle des infirmières ou des médecins, conformément à la Directive européenne (Parlement européen & Conseil européen, 2005). En France, depuis 2015, le diplôme d’Etat de sage-femme confère de plein droit le grade de master. Le diplôme d’Etat et le grade sont délivrés par les universités (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2013).
Jusqu’en 2011, pour accéder au statut de sage-femme enseignante et de directrice, il était nécessaire d’être titulaire du diplôme de cadre sage-femme délivré après une formation de neuf mois dans l’unique école régionale non universitaire située à Dijon (Morelle et al., 2008). Ce diplôme non universitaire a été remplacé par un diplôme de Master en Santé Publique, spécialité Périnatalité, Management et Pédagogie, délivré après deux années par la Faculté de médecine de l’Université de Bourgogne. Comme le précédent Diplôme de Cadre, ce nouveau Master donne accès au grade de sage-femme cadre enseignante ou manager des services hospitaliers. Il n’existe aucune filière spécifique préparatoire à la fonction de sage-femme enseignante en France. Les sages-femmes enseignantes sont majoritairement employées par les hôpitaux en France, alors qu’au Royaume Uni ou en Suède, elles sont enseignantes universitaires.
La Conférence Nationale des Enseignantes en Maïeutique (CNEMa), dont les membres comprenaient 148 des 241 enseignantes et directrices sage-femme en 2015, a recensé le nombre de sages-femmes enseignantes possédant un diplôme universitaire. Cette enquête soulève le problème du statut universitaire pour les sages-femmes enseignantes. Ce statut doit garantir une gestion autonome tout en permettant de conserver l’indispensable activité éducative et clinique parallèle et de développer la recherche en maïeutique nécessaire pour améliorer la santé des femmes et des nouveau- nés.
2. Pourquoi un statut d’enseignant universitaire pour les sages-femmes ?
Compte tenu de la spécificité médicale et de l’évidence du service que peuvent rendre les sages-femmes à la société civile, leur rôle universitaire doit se développer et être valorisé dans des dispositions législatives.
Un statut universitaire permettrait aux sages-femmes de développer leurs capacités de recherche en sciences de la santé, en sciences humaines et sociales dans le champ de la santé génésique et périnatale.
La maïeutique, discipline médicale exercée par les sages-femmes, exige un développement professionnel continu et le développement de la recherche pour l’amélioration des pratiques.
Le Diplôme d’Etat de sage-femme est un diplôme délivré par les universités habilitées. L’‘enseignement délivré aux étudiants sages-femmes doit être majoritairement assuré par des sages-femmes possédant des diplômes universitaires de niveau I.
3. Quel statut pour les enseignants en maïeutique ?
La création d’un statut d’enseignant universitaire dépendant de la fonction publique d’Etat permet d’assurer les trois missions d’enseignement, clinique et recherche dans le domaine de la maïeutique. Ce statut est en adéquation avec l’enseignement à l’Université et le maintien d’une pratique clinique indispensable.
Afin de rationaliser les éventuels coûts engendrés par ce changement de statut, il convient d’envisager de recentrer les enseignants sages-femmes sur leurs réelles missions (enseignement théorique, clinique et recherche…), pour cela ; le recrutement d’assistante pédagogique est indispensable pour effectuer leurs tâches administratives (gestion des plannings de cours et de stages, organisation des examens, commandes de matériels pédagogiques, mise en place des salles de Travaux pratiques, etc.).
Les statuts envisagés prendront compte des spécificités du corps enseignant sages- femmes
- PRofesseur AGrégé dans l’enseignement supérieur (PRAG), à titre de disposition transitoire pour les sges-femmes enseignantes ne disposant pas de diplômes de niveau I ou n’ayant pas un profil universitaire
- Maître de Conférence Universitaire « mono appartenant » (MCU)
- Professeur des Universités (PU)
- Maître de Conférence Universitaire bi-appartenant (MCU-PH)
- Professeur des Universités « bi-appartenant» (PU-PH)
-
La bi-appartenance permet de maintenir les compétences cliniques.
4. La création d’une section au Conseil National des Universités
A plus long terme, une section Maïeutique au Conseil National des Universités est indispensable pour assurer le recrutement des enseignants-chercheurs en Maïeutique, fédérant ainsi le domaine des recherches réalisées par des sages-femmes enseignants-chercheurs en maïeutique.
REFERENCES
Homer CS, Friberg IK, Dias MA, Ten Hoope-Bender P, Sandall J, Speciale AM, et al. (2014). Maïeutique 2 – Effet projeté de l’accès universel à la maïeutique. Lancet, 26-37.
ICM (2011). Définition de la sage-femme. http://www.internationalmidwives.org/assets/uploads/documents/CoreDocuments/Definition
of the Midwife FRE-2011- updated August 2011.pdf.
ICM (2011). Sage-femme: une profession autonome. Dernier accès 6 septembre 2015 à
http://www.internationalmidwives.org/assets/uploads/documents/Position Statements –
French/PS2011_011 FRE Sage-femme une profession autonome.pdf
ICM (2013). Compétences essentielles pour la pratique de base du métier de sage-femme. Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2013).
Diplôme d’Etat de sage-femme, Bulletin Officiel n°15 du 11 avril 2013. Paris:
M.E.N.E.S.R.
Morelle A, Veyret J, Lesage G, Acker D & Noire D (2008). Evaluation de l’impact du dispositif
sur les formations et le statut des professions paramédicales (p. 146). Paris: Inspection Générale des Affaires Sociales & Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche.
Parlement européen & Conseil européen (2005). Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Dernier accès Mai 2014 à http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/05/st03/st03627.fr05.pdf.
Renfrew MJ, McFadden A, Bastos MH, Campbell J, Channon AA, Cheung NF, et al. (2014). Maïeutique 1 – Maïeutique et soins de qualité: conclusions d’un nouveau cadre d’analyse des soins maternels et néontals fondé sur données probantes. Lancet, 9-25.
République française (2009). Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires Paris: Journal Officiel
Ten Hoope-Bender P, de Bernis L, Campbell J, Downe S, Fauveau V, Fogstad H, et al. (2014). Maïeutique 4 – L’amélioration de la santé maternelle et néonatale par la maïeutique. Lancet, 49-58.
Thompson JE (2002). Competencies for midwifery teachers. Midwifery, 18(4), 256-259.
Van Lerberghe W, Matthews Z, Achadi E, Ancona C, Campbell J, Channon A, et al. (2014). Maïeutique 3 – Expériences menées au niveau national pour renforcer les systèmes de santé et déployer des sages-femmes dans les pays à haut taux de mortalité maternelle. Lancet.
4